Les promoteurs des langues nationales à l'hémicycle : « Aucun peuple sérieux ne peut prétendre se développer dans la langue et la culture d’autrui », déclare Cheik Anta Diop.
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Lors du débat d'orientation constitutionnelle à l'hémicycle ce mardi 23 mai, la Coalition pour la Promotion des Langues Maternelles (CoLaM), ainsi que d'autres organisations de la société civile de Guinée, a formulé des recommandations aux conseillers du Conseil National de la Transition (CNT) concernant la future constitution du pays.

Le principal sujet de discussion abordé par la CoLaM a été le statut des langues dans la thématique de la forme de l'État. Trois options ont été présentées : le maintien du statu quo avec le français comme langue officielle, l'officialisation des langues nationales, ou la convergence vers une langue nationale dominante, explique Ibrahima Konaté, coordinateur de la CoLaM.

« Voulez-vous que la langue française, une langue parlée en France, soit toujours utilisée par les autorités pour s'adresser au peuple de Guinée ? Souhaitez-vous que votre langue, ainsi que celles de vos compatriotes guinéens, soient utilisées directement dans les bureaux, les tribunaux, l'assemblée nationale, etc. ? Préférez-vous choisir une seule langue guinéenne parlée par un plus grand nombre de personnes et que tout le monde utilise cette langue ? Si vous posez ces questions aux citoyens, il est indéniable que la majorité optera pour la deuxième option, c'est-à-dire l'officialisation des langues nationales. », a-t- Il souligné

Selon, lui, Pour la Coalition pour la Promotion des Langues Maternelles, le choix est déjà fait :

« Nous soutenons l'officialisation des langues nationales en République de Guinée. C'est un choix naturel puisque nous avons naturellement en Guinée plusieurs communautés riches en diversité linguistique, ce qui équivaut à une diversité culturelle. Comme l'a dit Ahmed Sékou Touré, la réhabilitation et la valorisation des cultures africaines grâce à la pratique des langues africaines sont des impératifs pour les États africains. L'utilisation de ces langues permettra aux masses laborieuses, forces de progrès, de maîtriser la science, la technique et la technologie, qui sont les facteurs clés du développement de nos pays. », a rappelé Ibrahima Konaté.

Il est dit ailleurs par Cheik Anta Diop poursuit-il : « Aucun peuple sérieux ne peut prétendre se développer dans la langue et la culture d'autrui ». De même, Solomana Kanté, inventeur de l'écriture N'ko, affirme : « Ce que nous pouvons apprendre en trois ans à travers une langue étrangère, nous pouvons l'apprendre en seulement trois mois dans notre langue'. »

Depuis des décennies, nous sommes contraints d'apprendre et de nous exprimer dans une langue étrangère. C'est la raison pour laquelle le niveau des élèves diminue jour après jour et que le peuple ne participe pas suffisamment au développement du pays, simplement parce que la langue qui lui est imposée est celle d'un autre.

Monsieur le président du Conseil Nationale de la Transition (CNT), nous les membres du (CoLaM) avons fait les recommandations suivantes :

« Ériger en langues officielles, aux côtés du français, au moins les huit (8) principales langues du pays ;

Accorder la compétence linguistique à chaque commune urbaine et rurale, dans le code des collectivités locales, afin qu'elle puisse adopter comme 2ème langue officielle, après le français, au moins une des huit (8) principales langues maternelles parlées sur le territoire de ladite commune ;

Élaborer une loi organique portant « orientation linguistique de la République de Guinée », si celle-ci n'existe pas. Cette loi déterminera les modalités et les conditions fixant le statut juridique de ces langues ;

Faire des efforts pour appliquer la loi d'orientation de l'Éducation Nationale qui date de 1997, en l'adaptant à la nouvelle réalité et en autorisant l'ouverture de filières bilingues langues maternelles-français ;

Ériger nos systèmes d'écritures locaux (N'ko, ADLAM, Koréssébèli, etc.) en patrimoine linguistique national ;

Utiliser les alphabets nationaux comme système de transcription de nos langues nationales. Et choisir l'un d'entre eux comme l'Alphabet National pour les autres langues qui n'ont pas leurs propres systèmes d'écriture. Ceci, après des tests techniques de performance de transcription des autres langues dudit système d'écriture ;

Réaliser une étude sociolinguistique à l'échelle nationale pour mettre à jour la cartographie linguistique de la République de Guinée.

Créer un Ministère de l'Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales, chargé de mettre en place les lois et la politique du gouvernement en la matière.

Chers Honorables Conseillers, ayons le courage de nos prédécesseurs en osant changer de paradigme et de système. », a-t-il conclut.

Alpha Amadou Diallo pour Ramatoylaye.com