Kankan, la chouchoute de l’électorat : à qui profite le déséquilibre ?
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Dans le grand théâtre électoral guinéen, un rideau vient une fois de plus de se lever sur une scène bien connue : celle des inégalités dans la répartition du matériel électoral. Et le premier rôle revient, sans grande surprise, à Kankan, cette région du Haut-Guinée qui semble abonnée aux faveurs institutionnelles. Selon une récente sortie du Bloc Libéral, le découpage des kits électoraux laisse planer plus que de simples doutes : il sent carrément le favoritisme à plein nez.

Jugez-en par vous-même : sur les 6000 kits électoraux répartis à travers le pays, 1517 ont pris la direction de Kankan et ses quatre satellites (Siguiri, Kouroussa, Mandiana, Kérouané). Soit 30 % de l’ensemble, pour une région qui ne compte que cinq préfectures. En comparaison, Conakry et sa zone métropolitaine élargie – pourtant plus peuplée, plus dense, plus urbaine – n’en a reçu que 15 %. Cherchez l’erreur.

Ce n’est pas la première fois que Kankan se retrouve en haut du podium. Déjà sous le règne d’Alpha Condé, la région avait connu un bond démographique pour le moins spectaculaire. Officiellement, la population y aurait quadruplé en quelques années, pendant que la moyenne nationale, elle, ne faisait que doubler. De quoi donner le tournis à tout démographe sérieux.

Le reste du pays, lui, fait avec les miettes : Boké récolte 7 % des kits pour 10 % de la population, Faranah 8 % pour la même proportion d’habitants, et d’autres régions comme Kindia, Labé, Mamou ou N’zérékoré ne figurent même pas dans les chiffres rendus publics. Invisibilisées ? Oubliées ? Ou simplement exclues du calcul politique ?

Au fond, la question n’est pas technique, elle est foncièrement politique : comment garantir une élection crédible quand les bases mêmes de la participation sont aussi biaisées ? À quelques mois d’échéances cruciales, ce déséquilibre soulève une inquiétude sourde : l’appareil électoral sert-il à compter les voix ou à les distribuer selon des intérêts bien placés ?

Car s’il est un principe sacré dans toute démocratie, c’est celui de l’égalité du citoyen face aux urnes. Encore faut-il que chacun ait une urne à sa portée.

Aziz Camara