Procès du 28 septembre : « L'objectif n'était pas de sortir pour qu'il y ait de dégâts », Bah Oury.
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Le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la cour d'appel de Conakry à Kaloum. Le lundi 20 mars 2023, Bah Oury, ancien ministre chargé de la réconciliation nationale sous le régime du CNDD et président de l'Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée (UDRG), a témoigné en détail sur le déroulement des faits au stade de Conakry ce jour-là. Il a déclaré :

 J'ai entendu beaucoup de choses concernant oui ! ou non ! de certains responsables à l'organisation du 28 septembre 2009. Je dois préciser que nous avions expressément indiqué que tous les premiers responsables des formations politiques, principalement, devaient être à Conakry pour cette manifestation. C'était extrêmement important, car nous avions eu en 92 un effet contraire qui avait fait que, au moment où il fallait lutter pour l'émergence ou de la conférence nationale souveraine, à la dernière minute certains responsables s'étaient éparpillés un peu partout dans le pays, ce qui avait empêché que ce qui était prévu se fasse.

Bref, nous tenions à ce que les premiers responsables soient à Conakry. Lorsque j'ai constaté que le président Alpha Condé n'était pas présent, j'ai appelé M. Diané, secrétaire permanent du RPG, pour lui demander si le président du RPG serait présent à Conakry. Il m'a dit qu'il était aux États-Unis, qu'il assistait comme observateur à l'assemblée générale des Nations unies qui intervient très souvent au cours du mois de septembre. Alors, je lui ai demandé de dire à M. Alpha Condé de manière solennelle de faire une déclaration sur les ondes pour exprimer la participation et la solidarité du RPG par rapport à la manifestation qui était prévue, c'est ce que le président Alpha Condé a fait sur les ondes de RFI, je crois le dimanche matin, si ma mémoire est bonne. Mais cette déclaration a été faite pour exprimer la solidarité à la participation du RPG à la manifestation du 28 septembre 2009, sinon tous les autres responsables étaient présents, et il n'y a pas eu de doute sur cette question. Donc, la journée du matin, il y avait une fine pluie. Nous avions indiqué que nous devions nous retrouver chez le doyen Jean Marie Doré dès la première heure.

Avant d'entrer dans les détails, je vais expliquer pourquoi le 28 septembre a été choisi. Le 28 septembre 1958, la Guinée a opté pour l'indépendance en disant non à la colonisation, et le 28 septembre 2009, nous voulions que ce soit l'autre versant du 28 septembre 1958, c'est-à-dire : non à la dictature et oui à la démocratie. L'objectif n'était pas de sortir pour qu'il y ait de dégâts. Nous avions indiqué de manière formelle que ce serait une manifestation pacifique, et nous avions interdit à tout le monde de porter des armes blanches ou quoi que ce soit qui

 

Certains pensaient que les gens transporteraient des armes blanches ou d'autres armes, ce qui aurait donné des idées à d'autres. Donc, tout le monde devait venir les mains vides au stade et dans les environs du 28 septembre.

Pourquoi le 28 septembre ? En 1958, il y avait un référendum où les gens ont voté "Non" à la colonisation. En 2009, le but était de montrer, après la déclaration du président Wade, que l'écrasante majorité de la population guinéenne ne voulait pas d'une candidature militaire à la présidentielle et que les engagements pris devaient être respectés. Le référendum visait à rassembler les gens de tous les côtés de Kaloum, Matoto, Madina, Ratoma pour tenir un meeting pacifique à l'esplanade du palais du 28 septembre.

Nous avons envoyé des lettres d'information à la municipalité de Dixinn le 23 septembre pour les informer de l'organisation de cette manifestation pacifique. Ils nous ont répondu avec une lettre similaire envoyée au ministère de la jeunesse et des sports, car l'esplanade du 28 septembre relevait de la compétence de la direction du 28 septembre. L'objectif était de se retrouver sur l'esplanade. Nous avions mobilisé deux camions conteneurs équipés de haut-parleurs pour le meeting de sensibilisation, mais malheureusement, ils sont arrivés tardivement et n'ont pas pu se présenter car la foule était trop compacte.

En résumé, certains pensaient que les gens transporteraient des armes, mais il était prévu que tout le monde vienne les mains vides au stade et dans les environs du 28 septembre. Le but de la manifestation pacifique était de montrer que la population guinéenne ne voulait pas d'une candidature militaire à la présidentielle et que les engagements pris devaient être respectés. Malheureusement, les camions conteneurs équipés de haut-parleurs n'ont pas pu arriver à temps en raison de la forte affluence.

Bref, je reviens au début.

Chez le doyen Jean Marie Doré, nous nous sommes tous retrouvés à partir de 08 heures du matin et tout le monde était présent, sauf le président du RPG pour les raisons que j'ai mentionnées précédemment. Le doyen Jean Marie Doré était un peu réticent à l'idée d'aller au stade en raison des confidences qui lui ont été faites, indiquant qu'il aurait reçu des menaces la nuit précédente. Le président de l'UFR a également indiqué qu'il a reçu un coup de fil tardif lui demandant de suspendre la manifestation.

Il y avait des tractations pour savoir quoi faire. En concertation avec certains responsables, nous avons décidé de laisser le doyen Jean Marie avec une ou deux personnes attendre l'arrivée des prélats et des leaders religieux pour discuter, puisque ceux-ci semblaient venir pour faire la médiation. Pendant ce temps, nous avons décidé de sortir pour aller à la rencontre de la population qui s'assemblait aux alentours du stade. Arrivés à l'entrée de l'Université Gamal Abdel Nasser, nous avons rencontré un dispositif mis en place par le commandant Thiéghoro et des pourparlers ont commencé. Nous avons prolongé le processus pour permettre à la grande foule qui devait déferler de la colline de Ratoma d'arriver. Je ne peux pas dire combien de temps cela a duré, mais nous avons pris le temps nécessaire pour que tout le monde puisse arriver.

Lorsque ce colonel est apparu avec une foule extrêmement nombreuse, le dispositif a été dépassé. Sans concertation, nous nous sommes tous dirigés vers l'esplanade. Bien sûr, il y avait des jets de pierres, mais une fois arrivés à l'esplanade, nous avons été surpris de voir que la foule nous a soulevés sur leurs épaules et nous a fait entrer dans le stade. Personnellement, je savais que cela présentait des dangers, car le stade n'était pas censé être ouvert. Mais il n'était pas possible de faire marche arrière. Beaucoup de gens pensaient que l'objectif était d'entrer dans le stade, considérant cela comme une victoire. C'est pourquoi certains jeunes se sont mis à prier sur la pelouse une fois à l'intérieur.

Les autres responsables et moi-même sommes montés dans les gradins, mais quelques minutes plus tard, il était impossible de tenir un discours à cause du bruit et de la foule. Je ne me souviens pas précisément de ce qui s'est passé avant les détonations, car les souvenirs s'estompent avec le temps et les conditions dans lesquelles nous nous trouvions ne permettaient pas d'avoir une vue claire des événements. Cependant, alors que les autres intervenaient sur le podium, j'ai remarqué que deux jeunes portaient des masques en fer, contrairement à ce qui avait

J'ai remarqué que deux jeunes avaient des masques de fer, contrairement à ce que nous avions indiqué. Cela m'a étonné et j'ai remarqué que l'un des jeunes avait d'autres choses qui semblaient bizarres par rapport au dispositif que nous avions prévu. Cependant, je n'ai pas accordé beaucoup d'importance à cela. Peut-être que je me suis dit que c'était une question d'habitude, mais cela m'a fait tiquer qu'il y avait quelque chose d'anormal avec ces deux jeunes.

Je leur ai demandé pourquoi ils avaient apporté ces choses, mais ils n'ont pas répondu. Pendant ce temps, nous avons entendu des détonations de grenades lacrymogènes et de coups de feu, et nous avons vu les gens fuir dans toutes les directions, comme des petits moineaux. Personnellement, je n'ai pas compris ce qui se passait.

Peu de temps après, nous avons vu des militaires, principalement des bérets rouges, venir vers nous pour nous demander de descendre. J'ai pensé qu'ils étaient venus nous arrêter, mais cela ne m'a pas inquiété, car je me suis dit que c'était normal. Cependant, j'ai remarqué que certains d'entre eux ne portaient pas l'uniforme des forces de défense et de sécurité, leur habillement étant bigarré et différent.

En descendant de la tribune à la queue leu-leu, j'étais un peu derrière quand j'ai vu El hadj Cellou en maille avec un policier habillé tout en noir qui portait un ceinturon. Une bataille s'est alors engagée. C'est au cours de la descente vers la pelouse que j'ai reçu un coup sur la tête. Ça m'a sonné, mais ça ne m'a pas déstabilisé. Nous avons été regroupés et un fusil était tombé. Un militant de l'UFDG l'a pris, mais je lui ai intimé l'ordre de le déposer, car c'était dangereux de le voir avec cette arme. Cela aurait pu être un prétexte pour le canarder, simplement parce que quelqu'un avait pris un fusil qui était par terre. Heureusement, il a obtempéré. Je pensais que cela n'était pas connu, mais j'ai été surpris la semaine dernière quand Fatoumata Barry a relaté cette histoire.

Celui qui est venu et qui a formellement demandé que nous descendions était le commandant Toumba Diakité. Les coups pleuvaient, je ne peux pas dire précisément ce qui s'est passé à côté de moi, car c'était une question de vie ou de mort. Il fallait être lucide pour ne pas paniquer ou aller dans la mauvaise direction. M. Cellou Dalein Diallo avait reçu des coups et était à terre. Un coup de fusil avait blessé son garde du corps, lorsque le commandant Toumba a amené les autres leaders pour les faire sortir de la pelouse.

Le fait que M. Cellou Dalein était à terre, m'a fait penser que je ne pouvais pas le laisser là. Je remercie Dieu de m'avoir donné toute la lucidité pour ne pas paniquer et ne pas abandonner au niveau de la pelouse. J'ai demandé à un de nos militants, Abdoulaye Trois, malgré le fait qu'il ait reçu un coup et que son bras était cassé, de m'aider à prendre El hadj Cellou et de le sortir d'ici. L'autre équipe avec les leaders était déjà partie. Nous nous sommes retrouvés derrière.

À suivre…

Transcrit par Algassimou Diallo.