L'affrontement à distance entre les rebelles Houthis du Yémen et Israël s'intensifie. Après des tirs sur Israël, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a lancé un avertissement aux yéménites et son armée a frappé des ports et des infrastructures énergétiques yéménites. Des frappes et des répliques qui durent depuis le début de la guerre à Gaza. Le mouvement chiite qui contrôle la partie la plus peuplée du Yémen, multiplie les attaques en soutien au Hamas et à la population gazaouie.
En frappant les navires dans la mer Rouge, les Houthis déstabilisent le trafic international et poursuivent leurs tirs de missiles sur Israël. Entretien avec Abdul-Ghani Al Iryani, chercheur pour le think tank yéménite Sanaa Center for Strategic Studies.
RFI : Comment évaluez-vous les conséquences des raids israéliens sur les capacités des Houthis ?
Les Israéliens frappent des cibles civiles. Aucune des cibles qu'ils ont frappées hier soir ou avant n'était militaire. Ce sont des infrastructures civiles, comme les ports, des centrales électriques. Les deux tiers environ de la population de la capitale Sanaa (3,4 millions d’habitants) n’auront pas d’électricité. Et, en plus de ne pas faire de mal aux Houthis, cela les aide. Car lorsque la population civile est soumise à une telle contrainte, elle est plus susceptible de rejoindre les forces houthies. Cela améliore leur capacité à recruter des combattants et à contrôler la population.
Justement, les estimations des forces combattantes des Houthis sont extrêmement variables. Où est-ce que vous placez le curseur ?
Les estimations les plus réalistes sont de l'ordre de 600 000 à 700 000. Les Houthis ont pris le contrôle du ministère de la Défense de la République du Yémen. Ils disposaient donc de tous les combattants de l'ancien système. Ensuite, ils ont recruté, de manière très agressive, au cours des dix dernières années. L’estimation de 600 000 soldats me semble tout à fait raisonnable, car cela a augmenté depuis le début de la guerre à Gaza. Même si évidemment ces troupes ne vont pas aller défendre Gaza. Elles sont recrutées surtout pour tuer des Yéménites.
« L’Axe de la résistance » autour de l’Iran, dont font partie les Houthis, a perdu un allié avec la chute de Bachar el-Assad. Comment est-ce que cela affecte les forces rebelles yéménites ?
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C’est une mauvaise nouvelle, pour les Houthis comme pour Gaza. Clairement, « l’Axe de la résistance » est en partie cassé, l’Iran est isolé. Et Téhéran ne voit pas les Houthis comme des alliés pérennes. Il y a des différences théologiques entre le chiisme iranien et celui prôné par les Houthis [les rebelles sont d’obédiences zaydistes, une branche du chiisme, NDLR].
Les yéménites ont besoin d’aide au développement que les Iraniens ne fourniront pas quand la guerre sera terminée. Nos voisins saoudiens, qui ont été impliqués au Yémen pour de bonnes et de moins bonnes choses, sont les seuls avec la capacité d’aider le pays avec les fonds nécessaires à la future reconstruction. Donc, les Houthis ne seront pas d’éternels alliés de l’Iran. C’est pour cela que Téhéran les pousse à défier les États-Unis et l’Israël maintenant, sachant que cela peut, à terme, mener à la destruction des Houthis. Mais la logique est la suivante : utilisons cette carte avant qu’elle ne soit détruite par un éventuel accord de paix.
Les Houthis ont développé un arsenal militaire conséquent (missiles, drones). Est-ce qu’il est suffisant pour poursuivre seul les attaques en mer Rouge et contre Israël ?
Concernant Israël, la réponse est non. Ils doivent recevoir un approvisionnement régulier de missiles à longue portée de la part de Téhéran, ce qui n’est pas nécessairement garanti. Mais pour les attaques sur la flotte civile dans la mer Rouge, ils peuvent continuer indéfiniment. Les systèmes qu’ils utilisent, que ce soit des bateaux, des sous-marins, ou des drones, marins ou de drones, sont peu coûteux à produire et les pièces sont faciles à trouver. En plus, les pièces détachées sont facilement disponibles sur le marché noir international, ce qui leur permet de poursuivre leurs attaques.
Rfi