La Guinée a besoin de « grands hommes »
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« L’Afrique n’a peut-être pas besoin d’hommes forts, mais elle a besoin de Grands Hommes ». Ce constat effectué par le camerounais Yann Gwet, dans un article publié en Septembre 2015 sur Jeune Afrique, nous parait singulièrement s’appliquer au cas de la Guinée.

Essayer de le mettre en évidence est le but ultime de notre analyse. 

En rejetant catégoriquement toute forme de colonialisme en faveur de son indépendance en 1958, la Guinée avait fait un choix grandiose.  C’est un pays ouest-africain qui est relativement bien parti non sans susciter, avec son «non» retentissant à Charles de Gaulle. Une attention passionnée en Afrique et bien au-delà.

Dès lors, dans son texte « Une désespérance de l’indépendance : l’unité nationale », Bernard Charles estime que tout semblait possible pour la république embryonnaire de Guinée : « créer un nouvel État indépendant, forger une identité nationale par de-là ou à l’encontre des ethnies, établir des relations d’égalité dans une association avec la métropole, vaincre le sous-développement par une décolonisation intégrale, être l’avant-garde et le porte-parole de l’Afrique entière ».

Pourtant, plus d’un demi-siècle plus tard, le moins que tout observateur averti puisse dire est que la classe politique guinéenne, dans son ensemble (opposants et dirigeants au pouvoir), a indiscutablement été plus décevante qu’exemplaire. Que l’indice de développement humain de la Guinée compte parmi les plus faibles de la Terre (179/184 en 2014) n’en est que l’une des diverses conséquences négatives pour la Guinée.

Concrètement, les pays africains qui s’en sortent bien aujourd’hui ont eu de grands guides politiques qui ont su fixer le cap de la réussite en mettant en place des institutions fortes et en promouvant la bonne gouvernance. En voici des exemples bien connus : Jerry  Rawlings a mis le Ghana sur les rails de la démocratie et du respect des lois de la République, le Sénégal a connu Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, l’Afrique du Sud sera toujours reconnaissante et fière de Nelson Mandela, le gouvernement béninois a récemment décrété une semaine de deuil national à la mémoire de Mathieu Kérékou en tant héros national. Bref, il est difficile d’imaginer que le Rwanda serait si développé et stable aujourd’hui sans le leadership extradordinaire de Paul Kagamé.

Mais vous conviendrez avec nous que, dans le cas de la Guinée, tout se passe comme si chaque région naturelle avait son « héros naturel ». Du coup, depuis l'indépendance, les Guinéens ont encore beaucoup de difficultés à se reconnaitre en un leader politique d’envergure nationale, soit un leader au-delà du cadre strictement ethnique ou partisan.

Dans sa dernière chronique publiée sur Le Monde Afrique, le sénégalais Hamidou Anne était sans équivoque concernant l’état actuel de la Guinée : « aujourd’hui, les Guinéens sont assis sur une mine de richesses naturelles tout en étant dépourvus du minimum : infrastructures, électricité, services sociaux de base. Le 11 octobre, nombreux sont, par exemple, ceux qui ont voté dans la rue faute de locaux disponibles ».

Cependant, le président Alpha Condé aime souvent affirmer « qu’il n’a pas hérité d’un État, mais d’un pays », d’où ces deux questions légitimes que ses concitoyens les plus proactifs peuvent se poser à son égard : parviendra-t-il, après deux mandats consécutifs en tant que chef de l’État guinéen, à léguer un État, et non un pays, à son successeur ? Plus intéressant encore d’un point de vue comparatif, sera-t-il tenté de modifier la constitution, à l’image de Lansana Conté en 2002, pour briguer un troisième mandat ? 

Wait and see (attendez et voyez).

Dans tous les cas de figure, sur son blog, Boulou Ebanda de B'béri, professeur au département de communication à l’université d’Ottawa, précise que « les institutions démocratiques dépendent des gens qui y travaillent et qui les servent. Ainsi, ce sont les personnes impliquées, les hommes et les femmes dans ces institutions qui produisent un environnement social démocratique et juste, ou dégradé, corrompu et dégénéré ».

Seule certitude donc : à la place des Guinéens et surtout de leurs dirigeants, nul autre ne viendra construire des systèmes de santé et d’éducation efficaces en Guinée tout en y enracinant la démocratie au sens substantiel du terme.

Pour y arriver, la Guinée a besoin de « grands hommes » non seulement au niveau de son élite intellectuelle, sa société civile, ses acteurs politiques de la mouvance et de l’opposition, mais aussi et surtout au niveau du pouvoir en place.

Car, en fin de compte, la vieille sagesse africaine, selon laquelle « le poisson commence toujours à pourrir par la tête », se vérifie partout, y compris dans le chaos actuel du Burundi de Pierre Nkurunziza.

Ousmane Diallo

Ottawa, Canada

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« Nous ne connaissons pas le vrai si nous ignorons les causes », Aristote.