À peine plus de deux mois après l’annonce par Donald Trump de sa volonté d’accueillir des Afrikaners sud-africains comme réfugiés aux États-Unis, certains ont déjà été entendus par les autorités américaines.
« Le staff de l’ambassade a été extrêmement aimable […], je pouvais voir qu’ils avaient de l’empathie », affirme un dénommé Mark à Reuters. Il fait partie des agriculteurs sud-africains ayant passé un entretien à l’ambassade américaine, en vue d’être admis comme réfugié aux États-Unis. Trente auraient déjà été approuvés.
Le 7 février, à peine trois semaines après avoir suspendu toute admission de réfugiés aux États-Unis, l’administration Trump annonçait dans un décret lancer un nouveau programme d’asile spécifiquement dédié aux Sud-Africains afrikaners, la minorité blanche descendante des colons néerlandais, victime selon le président américain de « discriminations raciales injustes. »
« L’offre de Trump est une véritable bouée de sauvetage », affirme Katia Beeden, coach de développement personnel au Cap, arborant fièrement la casquette rouge pro-Trump sur les réseaux sociaux. Elle est porte-parole du site « Amerikaners », créé dans la foulée du décret pour accompagner les Sud-Africains blancs intéressés à devenir réfugiés.
« L’Afrique du Sud est une société très violente et nous avons le taux de meurtres le plus élevé au monde. En tant que femme, je ne peux même pas marcher sur la montagne à côté de laquelle je vis, car je risque d’être volée et violée. »
Des spéculations qui vont bon train sur les réseaux sociaux
En l’absence de communication officielle des autorités américaines concernant le programme ou son avancée, si ce n’est une adresse email sur le site de l’ambassade permettant d’adresser les demandes d’informations, les spéculations vont bon train sur les groupes de réseaux sociaux rassemblant des Sud-Africains blancs intéressés. Une internaute affirme connaître deux familles, déjà acceptées et « qui vont partir dans les prochains jours ». D’autres s’interrogent : le programme est-il restreint aux fermiers ? Aux Afrikaners ? Ou tous les Blancs sont-ils éligibles ?
Leurs griefs nombreux et variés : de la criminalité aux lois de discriminations positives destinées à corriger les inégalités issues de l’apartheid, en passant par la nationalisation du système de santé, ou encore une réforme scolaire qui, selon certains, risquerait de limiter l’enseignement en Afrikaans. « C’est du terrorisme émotionnel », affirme Katia, qui explique essayer depuis plus de 10 ans de quitter le pays.
Alors que la criminalité touche statistiquement majoritairement les populations pauvres, certains Afrikaners comme Katia clament cependant que les crimes affectant les Blancs sont plus souvent à caractère raciste.« Ce ne sont pas des crimes “normaux”, c’est de la persécution ».
Une affirmation que dénonce le gouvernement sud-africain, et que les statistiques ne permettent pas d’étayer. « En réalité, la plupart des crimes à caractère raciste dans ce pays sont commis par des Blancs contre des Noirs », contredit Nicky Falkof, directrice du Centre d’études sur la diversité à l’université du Witwatersrand. « Les meurtres commis dans les fermes sont souvent utilisés comme exemple d’un prétendu génocide. Or, une part importante de ces violences est perpétrée par des agriculteurs blancs contre des travailleurs noirs. […] C’est de la victimisation blanche : cette mentalité qui pousse à penser que quelque chose qui arrive à tout le monde est normal pour les autres, mais anormal lorsque ça les touche. »
Tous ne comptent pas quitter l’Afrique du Sud
En Afrique du Sud, la majorité des terres du pays sont encore détenues par la minorité blanche, dont les ménages possèdent en moyenne 20 fois plus de richesses que les ménages noirs.
Difficile de dire combien de Sud-Africains sont prêts à plier bagage pour devenir réfugiés aux États-Unis, parmi les 4,5 millions de blancs que compte le pays, dont 60 % sont Afrikaners. Car tous ne comptent pas quitter leur pays, même parmi ceux qui dénoncent des discriminations. « Le prix serait trop important », estime KallieKriel, président d’Afriforum, une organisation de défense des Afrikaners, qui est pourtant à l’origine d’actions de lobbying à la Maison Blanche.
Selon le New York Times, 8 200 Sud-Africains ont exprimé un intérêt après des autorités américaines. Dans l’attente de davantage d’informations, certains se projettent déjà dans leur vie d’après, en quête d’un meilleur avenir pour eux et leurs enfants, comme cet internaute qui estime que « le Texas, c'est bien. Bonne croissance. Des opportunités d’emploi. Une météo semblable à celle de l’Afrique du Sud. Beaucoup de fermes. Du bon bœuf. Des cowboys amicaux. Ce n’est pas un mauvais choix. »
Rfi