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Reportage – Conakry, Palais de justice de Kaloum. L’affaire faisait bruisser les couloirs du pouvoir depuis des mois. Elle s’est conclue par un verdict aussi attendu que fracassant : Ibrahima Chérif Bah, ancien gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) et figure influente de l’opposition politique en tant que vice-président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), a été condamné par la Chambre de jugement de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) à cinq années d’emprisonnement ferme et à une amende de 5 milliards de francs guinéens.

Le verdict a été rendu cette semaine à Conakry, dans la salle austère du Palais de justice de Kaloum, sous l’œil attentif des rares journalistes présents. Le juge Yacouba Conté, qui présidait l’audience, n’a laissé aucun doute sur la culpabilité de l’ancien haut fonctionnaire, reconnu responsable de détournement de deniers publics, enrichissement illicite, corruption, abus de fonction, blanchiment de capitaux, vol et complicité. Des charges lourdes qui renvoient à une période sombre de la gestion des finances publiques, et dont le préjudice global est estimé à 10 millions de dollars américains.

Chérif Bah n’était pas présent pour entendre sa condamnation. Depuis l’ouverture du procès, son absence systématique a été justifiée par son avocat, qui a avancé des raisons de santé. Mais pour la Cour, ces justifications n’ont pas suffi. Face aux preuves présentées par le parquet spécial, le tribunal a tranché sans concession.

Un mandat d’arrêt a été décerné à l’encontre du prévenu, toujours introuvable à ce jour. Un avis de recherche a été lancé, et les autorités judiciaires n’excluent pas une coopération internationale si jamais des indices laissent penser qu’il se trouve hors du territoire national.

Un patrimoine saisi, des symboles tombent

Outre la peine privative de liberté et l’amende colossale, la confiscation de l’ensemble des biens de l’ancien gouverneur marque un tournant dans la politique de répression économique du régime en place. La CRIEF a ordonné le transfert au profit de l’État guinéen de plusieurs actifs immobiliers et fonciers appartenant à Chérif Bah : une villa haut standing à Lambanyi, plusieurs parcelles situées à Lambanyi et NongoTaady, des villas, immeubles et plantations à Koba, dans la région côtière de la Guinée.

Pour de nombreux observateurs, cette décision donne une portée symbolique forte à la sentence : c’est toute la stature sociale et politique d’un homme qui est ainsi démantelée, pierre par pierre, acte de propriété par acte de propriété.

Une justice plus offensive ?

La condamnation de Chérif Bah intervient dans un contexte où la CRIEF tente de redorer son image et de démontrer son indépendance face aux critiques récurrentes sur sa supposée instrumentalisation politique. Depuis sa création, la Cour spécialisée dans les crimes économiques peine à convaincre l’opinion publique de son impartialité, notamment lorsque ses cibles sont exclusivement issues des régimes ou partis politiques précédents.

Mais ce procès, de par la stature de l’accusé, pourrait bien changer la donne. C’est en tout cas ce que suggère Maître Saliou Diallo, juriste et observateur judiciaire :

« On est en face d’un verdict qui, s’il est suivi d’effets concrets, pourrait servir de précédent. Il ne suffit pas de condamner ; encore faut-il exécuter la décision, retrouver le prévenu, appliquer la saisie, et garantir la restitution des biens à la collectivité. »

Un message politique ?

Derrière les procédures judiciaires, certains y voient aussi une lecture politique. Chérif Bah n’était pas seulement un technocrate de haut niveau ; il était aussi un acteur de premier plan de l’opposition. Sa condamnation soulève donc des interrogations sur l’équilibre entre justice et règlement de comptes politiques, un débat récurrent dans le paysage post-transition guinéen.

Pour l’heure, une chose est certaine : la CRIEF vient de frapper un grand coup. Reste à voir si cette dynamique se poursuivra au-delà des figures déjà affaiblies, pour s’étendre à l’ensemble de l’appareil d’État, passé et présent. Car la crédibilité de la lutte contre la corruption dépendra de sa constance, de son impartialité et de sa capacité à aller jusqu’au bout, quel que soit le nom ou le rang de ceux qui tombent.

Algassimou L Diallo