Édito : Vendredi 16 mai 2025. Une date que la mémoire judiciaire guinéenne retiendra comme celle du souffle nouveau. Deux cents nouveaux auxiliaires de justice, jeunes visages de la magistrature et du greffe, ont prêté serment dans l’enceinte solennelle de la Cour d’appel de Conakry. Derrière l’apparat protocolaire, c’est une promesse collective faite à la République : celle de servir le droit avec droiture, de défendre la justice avec honneur, et de réconcilier l'institution judiciaire avec les citoyens.
Cent un auditeurs de justice, accompagnés de leurs homologues greffiers, sont désormais appelés à occuper les premières lignes de la chaîne judiciaire, après deux années de formation intensive au Centre de formation judiciaire (CFJ). Si dix d’entre eux devront encore parfaire leur apprentissage par un stage pratique, tous incarnent une génération attendue, formée dans un contexte de refondation post-transition, et appelée à rompre avec les errements du passé.
L’ambiance, à la fois solennelle et empreinte d’espoir, était marquée par les mots forts du procureur général près la Cour d’appel de Conakry, Fallou Doumbouya. S’adressant aux récipiendaires, il n’a pas parlé seulement de droit, mais d’éthique, de vertu et de responsabilité. Son discours, ancré dans les fondements théoriques du droit, citant Saint Augustin, Montesquieu et Hans Kelsen, sonnait comme une mise en garde autant qu’un appel : être magistrat ou greffier ne consiste pas seulement à manier des textes, mais à incarner une certaine idée de la justice.
« Vous êtes désormais les dépositaires vivants de la Justice », leur a-t-il lancé, rappelant que le serment n’est pas une formalité, mais un engagement total, un pacte avec la République. Et pour cette République guinéenne, encore fragile, encore en quête de confiance, ces jeunes professionnels ne sont pas une simple relève, mais un socle d’espérance.
Dans un pays où l'institution judiciaire peine encore à se départir de son image de corporatisme opaque et parfois corrompu, cette vague de nouveaux venus est une opportunité historique. Mais une opportunité qui ne deviendra levier de transformation qu'à condition que ces jeunes magistrats et greffiers fassent preuve de ce que Fallou Doumbouya a qualifié de savoir-être judiciaire : humilité, rigueur, impartialité, indépendance, mais aussi silence et discernement.
Les recommandations du procureur général n’étaient pas des ornements rhétoriques. Elles sonnaient comme un serment parallèle : celui de l'institution envers ses nouveaux membres. Car si on attend de ces jeunes fonctionnaires une intégrité sans faille, l’État, lui aussi, doit leur offrir des conditions d’exercice à la hauteur des exigences qu’il proclame.
La justice guinéenne, encore en chantier, a besoin d’architectes plus que de gestionnaires. Elle a besoin d’âmes fermes, de mains propres et de consciences éveillées. À ces deux cents jeunes investis de leur mission, il revient désormais de prouver que le droit peut être à la fois science et conscience.
Leur mandat commence aujourd’hui, mais leur épreuve sera celle du temps. Celle de rester, au fil des ans, les gardiens silencieux de la République, les piliers discrets de la mémoire judiciaire. La page est blanche. À eux d’y écrire, enfin, une justice digne et respectée.
Algassimou L Diallo