Édito : Ce 26 mai 2025, dans l’atmosphère feutrée de la maison d’hôtes d’État Diaoyutai à Pékin, la Chine a, une nouvelle fois, déroulé le tapis rouge pour l’Afrique. Une rencontre solennelle, mais surtout stratégique, entre Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères, et les ambassadeurs africains accrédités à Beijing. Parmi eux, la diplomate guinéenne Aminata Koita, témoin de cette nouvelle mise en scène diplomatique aux airs de message clair : la Chine ne lâchera pas l’Afrique.
À l’heure où les équilibres mondiaux vacillent, Pékin prend soin de rappeler qu’elle ne considère pas l’Afrique comme un terrain de chasse, mais comme un partenaire stratégique de long terme. Et pour prouver sa loyauté, Wang Yi convoque l’histoire : le chemin de fer Tazara (mal nommé ici « d’Anzam »), les barrages, le soutien africain lors de l’entrée de la Chine à l’ONU. Autant de rappels qui sonnent comme une promesse de continuité, voire de redevabilité.
Mais derrière les envolées historiques et les chiffres flatteurs – échanges commerciaux multipliés par 27 en 25 ans, investissements en flèche – se joue une autre partie : celle de l’influence. Car dans ce dialogue appuyé avec l’Afrique, la Chine défend aussi sa propre vision du monde. Une vision multipolaire, affranchie de l’hégémonie occidentale, où Pékin se présente comme champion de la solidarité Sud-Sud. L’adhésion de l’Union africaine au G20, soutenue par la Chine, n’est qu’un jalon dans ce récit.
Le discours du ministre Wang Yi insiste sur la convergence des initiatives : la Ceinture et la Route, l’agenda 2063 de l’Union africaine, les stratégies nationales africaines. Tout est fait pour montrer une coopération “alignée”, “gagnant-gagnant”. Mais derrière la rhétorique consensuelle, les questions de souveraineté économique, de dépendance financière, ou encore de durabilité des projets restent en suspens.
Le co-président du Forum sino-africain, l’ambassadeur congolais Nyanga Jacques Jean Luc, n’a pas manqué de rappeler les enjeux concrets : les plans d’action sont ambitieux, mais leur mise en œuvre, elle, exige une réflexion profonde de la part des pays africains. Comprendre : il ne suffit plus d’accueillir les projets chinois, il faut savoir en tirer profit sur le long terme.
Quant à la Guinée, sa diplomatie se veut proactive. En accueillant à deux reprises les réunions préparatoires de cette rencontre, elle signale clairement sa volonté d’être un acteur central dans ce partenariat. Mais encore faut-il que cette ambition se traduise en projets concrets, bénéfiques et maîtrisés.
La rencontre de Pékin n’est pas seulement une cérémonie. C’est un rappel que l’Afrique est au cœur d’une bataille d’influence globale. Et que face à des partenaires comme la Chine, l’Afrique doit se montrer tout autant stratège que courtisée.
Algassimou L Diallo