Quand je débarque à la maison des jeunes ce matin-là, Mamou est en fête. Ciel bleu sans tâche, musique à fond, slogans scandés à pleins poumons. Officiels impeccables, boubous éclatants, jeunes surexcités : la célébration du CNRD bat son plein.
Les discours fusent, les applaudissements claquent. L’ambiance est électrique, tout est calé, rodé. Personne n'imagine la suite.
15 heures. Un bruit étrange, presque un grondement. Quelques regards inquiets. Puis soudain, le ciel s’assombrit. Un essaim. Un mur d’abeilles fond sur la foule.
Panique immédiate.
Les cris déchirent l’air. Les chaises volent. Dossiers, casquettes, chaussures abandonnées. Ça court, ça trébuche, ça hurle.
Je plaque mon carnet contre moi, me planque derrière un pilier. Autour, des costumes trois-pièces détalent sans élégance, des responsables d’ordinaire si graves sautent par-dessus les barrières. Les abeilles ne font pas de détail : tout ce qui bouge est piqué.
Le protocole explose. Plus de discours, plus d’ordre : juste un immense sauve-qui-peut.
Les secours improvisent, débordés. On transporte les blessés tant bien que mal vers l’hôpital, déjà saturé. Évanouissements, crises de panique, pleurs… Le chaos.
À mes côtés, un vieil homme souffle, essoufflé, la chemise en lambeaux :
— « Même en pleine crise politique, je n’ai jamais vu Mamou courir comme ça ! »
Ce jour-là, à Mamou, ce ne sont ni discours, ni slogans qui ont fait bouger les foules.
Ce sont des abeilles. Et personne n’a demandé leur avis.
Djamilatou Barry, depuis Mamou la ville carrefour