Conakry, le 8 mai 2025 – Plus d’un an après le lancement des premières auditions dans le cadre des enquêtes sur les crimes présumés du régime d’Alpha Condé, les victimes et leurs familles expriment leur frustration face à l’arrêt inexpliqué de la procédure judiciaire. L’Association des victimes et parents du régime d’Alpha Condé (AVIPRAC), appuyée par son avocat, Maître Thierno Souleymane Baldé, alerte les autorités sur ce qu’elle considère comme un retour inquiétant à l’impunité.
Dans une correspondance adressée au président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, l’avocat dénonce la suspension des enquêtes sans justification officielle. Il rappelle que les auditions des parties civiles avaient démarré en janvier 2023, permettant d’entendre des centaines de victimes, avant d’être suivies de celles des personnes mises en cause. Parmi ces dernières, figurent l’ancien président Alpha Condé et 26 autres individus, issus notamment de l’administration et des forces de sécurité.
« Il ne restait que quelques étapes avant la transmission du dossier au Tribunal de première instance de Dixinn pour la désignation d’un juge d’instruction », affirme Maître Baldé, qui déplore une interruption soudaine de la procédure. « Le parquet général est resté silencieux, et les officiers chargés de l’enquête préliminaire ne sont plus mobilisés », précise-t-il.
L’AVIPRAC, qui regroupe les familles de victimes de répressions, d’assassinats ou de disparitions survenus sous l’ancien régime, estime que cette situation porte atteinte au droit des victimes à la vérité et à la justice. L’association exhorte le chef de l’État à tenir les engagements pris en matière de justice, rappelant que lors de son arrivée au pouvoir en septembre 2021, Mamadi Doumbouya avait déclaré vouloir faire de la justice « la boussole » de la transition.
« Les familles fondent beaucoup d’espoir sur ce procès. Elles veulent des réponses, une reconnaissance, voire une réparation morale », insiste Maître Baldé. « Lorsque la volonté politique existe, les obstacles peuvent être surmontés. »
L’avocat appelle ainsi le président de la transition à faire preuve de « diligence » pour relancer l’enquête et permettre à la justice de faire son travail, dans l’intérêt de la réconciliation nationale.
Pour l’AVIPRAC, il est impératif que les crimes présumés du régime d’Alpha Condé ne soient pas passés sous silence. « L’impunité est le terreau fertile des crimes futurs », avertit Maître Baldé, soulignant que « la Guinée a trop pleuré ».
Dans les locaux de l’association, à Kaloum, les portraits de disparus sont toujours accrochés aux murs, témoins de la douleur des familles mais aussi de leur détermination. Leur combat pour la vérité, entamé il y a plusieurs années, est aujourd’hui suspendu à une décision politique.
Aziz Camara