Conakry, le 26 mai 2025. L’atmosphère était lourde d’émotion ce lundi matin dans les salons feutrés de la Primature. Visages graves, regards empreints d’attente et de douleur : un groupe de victimes des crises sociopolitiques qui ont secoué la Guinée au cours des dix dernières années a été reçu par le Premier ministre Bah Oury. Une rencontre rare, au cours de laquelle le chef du gouvernement a tenté de panser, par des mots et quelques promesses, les plaies encore béantes de l’histoire récente du pays.
Sous les dorures officielles, ce sont surtout les récits d'existence brisées qui ont rempli la salle. Parmi les délégations reçues figuraient des rescapés du massacre du 28 septembre 2009, des familles déguerpies de Kaporo-Rails ou encore des victimes de violences politiques. Des douleurs multiples, unies par une même quête de reconnaissance et de justice.
Face à eux, Bah Oury n’a pas esquivé la gravité du moment. "La solidarité nationale est un impératif moral", a-t-il martelé. Réaffirmant l'engagement de son gouvernement à accompagner ceux que l’histoire a trop longtemps laissés au bord du chemin, il a cité quelques initiatives déjà entamées : l’attribution de parcelles de terrain aux personnes expulsées de Kaporo-Rails, ou encore la lente mais progressive prise en charge des victimes du tristement célèbre massacre au stade.
Mais lui-même reconnaît la portée limitée de ces gestes. "Ce que nous faisons ne remplace pas des années de souffrance. Mais c’est une goutte d’eau pour exprimer la compassion de la puissance publique", a-t-il confié d’une voix grave.
Des promesses d’action
En réponse aux multiples doléances exprimées par les représentants des victimes – soins, relogement, indemnisation, suivi psychologique – le Premier ministre a promis de nouvelles mesures concrètes. Il a notamment chargé sa conseillère pour les questions humanitaires de lui soumettre rapidement des propositions de prise en charge durable.
Une annonce accueillie avec un mélange d’espoir prudent et de scepticisme mesuré. "Nous saluons l’implication personnelle du Premier ministre, surtout pour les soins psycho-médicaux, mais il faut aller plus loin. Il faut que les promesses deviennent réalité", a insisté l’un des représentants des victimes, les yeux embués.
Un tournant symbolique
Si la rencontre n’a pas débouché sur des décisions spectaculaires, elle marque néanmoins un tournant symbolique. Celui d’un État qui, lentement, commence à regarder en face ses blessures et ceux qui les portent encore au quotidien.
À la sortie, les visages n’étaient pas plus légers. Mais dans les silences partagés, une lueur fragile persistait : celle d’une écoute, d’un geste, peut-être d’un début de réparation. Une rencontre, en somme, où la parole politique a tenté de renouer avec l’humanité.
Amadou Diallo