Kaloum, samedi 3 mai 2025. Sous le soleil matinal, les ruelles de Kaloum s’animent d’un mouvement inhabituel. Vêtus de gilets fluos, tablettes à la main, 121 agents de terrain sillonnent les quartiers, frappant aux portes, saluant les passants, entamant le dialogue. C’est le coup d’envoi d’une campagne citoyenne de sensibilisation au recensement biométrique, lancée par l’Alliance pour une Nouvelle Constitution (ANC).
Ce jour marque le début concret d’un processus que beaucoup considèrent comme un passage obligé vers le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée. À Kaloum, commune-pilote, l’enjeu est de taille : convaincre les citoyens de s’enrôler, de participer, d’exister dans les bases de données d’un État qui veut reconstruire sa légitimité à travers les urnes.
Une mobilisation de proximité pour une cause nationale
C’est dans une salle modeste mais surchauffée par l’engagement que les agents de terrain ont été formés la veille. À leur tête, Aboubacar Mara, coordinateur du projet à Kaloum, leur a transmis un message clair :
« Ce que nous faisons ici n’est pas politique, c’est un acte de citoyenneté. Aller vers les gens, leur expliquer que se faire recenser, c’est ouvrir la porte à la démocratie. »
Dans les ruelles du quartier Almamya, Fatoumata Camara, jeune agente de terrain, tend une fiche à un père de famille. Elle lui parle calmement, lui montre comment les données sont enregistrées, à quoi elles serviront. « Beaucoup ignorent encore l’importance de cette opération », confie-t-elle. « Mais quand on prend le temps de discuter, ils comprennent. »
Kaloum, laboratoire de l’engagement citoyen
À quelques mètres de là, Mamady Kaba, coordinateur général adjoint de l’ANC chargé de la formation, observe le déploiement. Il se veut confiant :
« Ce que nous voyons à Kaloum, c’est un début. Les consignes ont été claires : informer, rassurer, convaincre. Chaque agent est formé pour écouter, expliquer, et faire de cette campagne un lien entre les institutions et les citoyens. »
Pour lui, cette initiative ne s’arrêtera pas là. « Kaloum n’est qu’un point de départ. Nous irons ensuite dans les autres communes de Conakry, puis dans les régions. Ce recensement, c’est le socle sur lequel reposera tout futur scrutin. »
Le numérique au service de la transparence
Chose notable, les agents sont équipés de tablettes et d’outils numériques. Une volonté affichée de moderniser la collecte de données, d’assurer une traçabilité, une transparence et une efficacité rarement atteintes dans les précédentes opérations d’enrôlement.
« C’est un gage de sérieux », commente Ibrahima Diallo, superviseur sur le terrain. « Nous scannons les cartes d’identité, nous synchronisons les données en temps réel. Le citoyen voit que c’est du concret. »
Un retour à l’essentiel : la voix du peuple
Au-delà de la technique, c’est l’esprit qui marque les esprits. Dans les cours familiales, sur les bancs des vendeuses, dans les garages, les discussions s’enclenchent : pourquoi faut-il se faire recenser ? Pourquoi maintenant ? Et surtout, pour quoi faire ?
Mariama Soumah, commerçante à Boulbinet, n’était pas au courant de la campagne. Après quelques minutes d’échange avec les agents, elle acquiesce :
« S’ils disent que c’est pour voter, alors oui, je veux me faire recenser. On veut tous que ça change, mais il faut commencer par se faire entendre. »
Un enjeu au-delà de Kaloum
En deux jours, l’ANC espère toucher des milliers de foyers. Mais plus que des chiffres, c’est une prise de conscience qu’elle souhaite enclencher : faire comprendre que le recensement n’est pas un simple geste administratif, mais un acte de souveraineté populaire.
Ce samedi à Kaloum, la Guinée ne s’est pas contentée d’un slogan : elle a repris le chemin d’une citoyenneté active, numérique et engagée. Et peut-être, d’une démocratie mieux enracinée.
Amadou Diallo