Conakry – Les avocats des victimes du massacre du 28 septembre 2009 sonnent l’alarme. La récente grâce présidentielle accordée à l’ancien chef de la junte, Moussa Dadis Camara, suscite une vive inquiétude au sein de la partie civile, qui redoute un retour progressif à l’impunité.
C’est lors d’un échange à Conakry avec une délégation de la Cour pénale internationale (CPI), conduite par le procureur adjoint Mame Mandiaye Niang, que Me Amadou DS Bah a exprimé son profond malaise face à la tournure du procès en cours.
« Sous couvert de réconciliation nationale, tout semble mis en œuvre pour favoriser l’impunité », a dénoncé l’avocat. Il estime que cette grâce présidentielle, tombée seulement deux jours après l’annonce de l’indemnisation des victimes, est vécue comme un « couperet » par ces dernières.
Me Bah pointe un risque de dérive : « Nous avons aujourd’hui la quasi-certitude que d’autres condamnés bénéficieront eux aussi d’une grâce. Or, cela remet en question le sens même du procès : faire justice. »
Devant les émissaires de la CPI, il a rappelé les engagements pris par l’État guinéen dans le cadre du mémorandum d’entente signé avec la communauté internationale. Ce document, selon lui, engage la Guinée à conduire le procès jusqu’à son terme dans le respect du droit. « Si les conditions ne sont plus réunies, le procureur peut parfaitement rouvrir le dossier et replacer la Guinée sous le radar de la Cour », a-t-il martelé.
L’avocat a aussi interpellé la CPI sur le traitement d’autres volets du dossier, notamment ceux concernant Bienvenu Lama et plusieurs accusés dont les dossiers ont été renvoyés devant le tribunal criminel. « À ce jour, aucune date n’a été fixée. Ce flou judiciaire est inquiétant », a-t-il ajouté.
Pour Me Bah, la justice ne peut s’arrêter aux indemnisations. Elle doit passer par la condamnation effective des auteurs. « C’est le seul moyen d’éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Moussa Dadis Camara et ses coaccusés doivent répondre de leurs actes et purger leurs peines. »
En conclusion, il a exhorté la CPI à user de son influence pour rappeler au gouvernement guinéen ses obligations. « Le respect du mémorandum, c’est aussi le respect des victimes. »
Saliou Keita